Projet de loi de finances 2001

Intervention de Monsieur Kaci REDJDAL

Député de la communauté Algérienne du Sud de la France

 

Novembre 2000

 

Monsieur Le Président,

Mesdames, Messieurs,

Mon intervention portera sur deux aspects de ce projet de loi :

  1. Orientation politique et économique globale du gouvernement
  2. Maîtrise des finances publiques

Concernant le premier point , permettez Monsieur Le Président , après avoir étudié le projet et entendu la panoplie de chiffres donnés par Monsieur Le Ministre des finances, de poser la question suivante : Quelle est la finalité de la politique économique du gouvernement ?

Une loi de finance n'est en principe qu'une traduction d'une volonté politique de créer une dynamique de développement économique et social qui vise à augmenter la croissance , lutter contre le chômage et combattre la misère c'est à dire à améliorer les conditions de vie des citoyens.

Que constate-t-on ?

Les indicateurs financiers de notre économie sont bons et s'améliorent que ce soit au niveau de l'inflation, des balances de paiement , des réserves de change ou de la dette extérieure mais paradoxalement, le pays piétine, le chômage s'accentue et les couches à revenus moyens qui dynamisent la croissance à travers la consommation voient leur pouvoir d'achat continuer sa chute vertigineuse. Dans le même temps, le gouvernement se cantonne dans la gestion des chiffres.

L'objectif unique du gouvernement est l'équilibre des résultats et le renforcement du fond de régulation des recettes c'est à dire qu'il réduit la gestion de notre économie à la gestion de ses seules finances. Il réagit aux événements au lieu d'adopter une stratégie de relance économique et de son financement.

Le gouvernement justifie évidemment sa politique par la vulnérabilité du budget de l'Etat. Il adopte alors une attitude alarmiste pour en fait imposer une austérité au peuple pendant que certains exploitent la rente algérienne ( rente pétrolière ou rente des monopoles) et amassent des fortunes colossales.

Monsieur Le Président,

Les problèmes financiers de notre économie ne constituent ni une crise de solvabilité ni une crise de liquidité. La panne économique réside dans la faillite du gouvernement qui est incapable d'initier une stratégie de développement basée sur les véritables valeurs créatrices de richesses à répartir équitablement au niveau des différentes couches de la société. Ces valeurs sont celles du travail, de l'investissement productif et de création d'emplois c'est à dire une stratégie de développement pour l'intérêt du pays et du peuple et non pour celui d'un clan.

L'Algérie a les capacités et les moyens nécessaires de dynamiser la relance économique et de la financer. La conjoncture financière est favorable et s'améliorera dans la prochaine décennie selon les plus grands experts. Toutes les prévisions s'accordent sur un prix moyen du baril de pétrole autour de 24 dollars et ce jusqu'à 2010. Sachant qu'une variation d'un dollar du prix du baril rapporte à l'Algérie 650 millions de dollars en recettes et 30 millions de dinars en fiscalité , on peut effectivement dire que la situation de notre économie permet le financement d'une relance économique. Aussi, l'on ne comprend pas cette attitude frileuse du gouvernement. Mais , le gouvernement peut-il répondre à ces objectifs ? La réponse est évidemment non.

  1. Comment peut-on espérer une relance lorsque le gouvernement, 7 ans après le rééchelonnement, il continue dans une politique de stabilisation. On se demande à quoi a servi le rééchelonnement lorsque l'on sait que les séquences de redressement économique engagé depuis 1994 devaient aboutir à une stabilisation macro-économique pour ensuite dynamiser la croissance. Aujourd'hui, L'Algérie se retrouve au point mort.
  2. Comment peut on espérer un développement harmonieux dans une économie ouverte lorsqu'on voit que l'axe stratégique choisi par le gouvernement est la privatisation tous azimuts , ce qui me semble pas efficace en tout cas à court en moyen terme.

En effet :

  1. Le gouvernement n'a pas une politique véritable de privatisation
  2. Comment privatiser des entreprises dont les outils de productions sont obsolètes sauf à les brader ?
  3. Les processus de privatisation sont longs et lents. Pour preuve, malgré un appel aux grandes compagnies internationales d'audit, la liste des entreprises à privatiser n'est toujours pas connue alors qu'elle a été promise pour juillet.
  4. A-t-on évaluer les conséquences sociales et quelle politique a t-on dégagé ?
  5. Pourquoi l' Etat veut-il se désengager du secteur public qui lui offre pourtant plus de 60% de la valeur ajoutée globale. La loi de finances ne prévoit aucune mesure pour la restructuration du secteur public.

Par ailleurs, une économie de marché exige un environnement adéquat pour faciliter l'investissement national ou privé. Malheureusement dans la situation actuelle de l'Algérie, cet environnement n'offre pas les conditions d'investissement pour les rasions suivantes :

Pour preuve, l'Algérie n'arrive toujours pas à avoir une notation et un classement de son risque auprès d'une grande agence internationale. Cela constitue évidemment un frein pour l'investissement.

Concernant le deuxième point à savoir la maîtrise des finances publiques , le gouvernement ne vise à faire des économies que dans les secteurs stratégiques lesquels devraient plutôt être renforcés à défaut d'adopter une véritable politique contre les fléaux qui ruinent notre économie.

- Comment ose-t-on parler de maîtrise de finances publiques lorsque le budget de fonctionnement représente 21% du PIB ? Un regard plus poussé sur les départements ministériels fait ressortir un budget de fonctionnement des ministères non liés directement à l'activité économique évalué à 60% du PIB . Le Ministère des Moudjahidines à lui seul absorbe 10% du budget de fonctionnement et il est en augmentation conséquente ( 6.22% du PIB en 2000, 3.88% en 1999). Pour 2001, la pension des Moudjahidines augmente de 34% alors que le fond d'emploi des jeunes enregistre une diminution de 3%.

- Comment peut-on parler de maîtrise de finances publiques lorsque l'on enregistre une prolifération d'institutions et services . L'Algérie dispose d'une multitude de ministères, d'institutions et d'annexes qui utilisent des moyens exorbitants et par conséquent engendrent beaucoup de gaspillages alors que l'efficacité de nos administrations et institutions est quasi nulle.

Monsieur Le Président,

Le Ministre des finances veut faire des économies sur des secteurs stratégiques tels l'éducation nationale ou la santé sous prétexte qu'ils emploient des effectifs importants.

Je souhaiterais juste rappeler à Monsieur Le Ministre que le budget de l'éducation nationale pour 2001 ne représente que 3.49% du PIB. Il représentait 3.57% du PIB en 2000 et 3.49% en 1999. Il est donc en baisse. Par ailleurs , les budgets de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et recherche scientifique , la formation professionnelle , réunis ne constituent que 5% du PIB . C'est extrêmement insuffisant et bien en deçà de se consacrent les pays à économie comparable.

Monsieur Le Président,

La maîtrise des finances publiques nécessitent :

  1. Une politique économique et financière claire et transparente.
  2. Une réduction du train de vie de l'Etat
  3. Une lutte contre l'économie parallèle
  4. Une lutte contre la corruption
  5. Une lutte contre les monopoles
  6. Une lutte contre l'évasion fiscale.

Cette politique est-elle possible lorsque l'on sait qui détient les monopoles et qui échappe au impôts ?

 

 

Merci Monsieur Le Président.