Journal – La semaine – Mardi 22 février 2000

Interview de Kaci REDJDAL ,

Député de la communauté algérienne du sud de la France

recueilli par Loukmane KHITER.

Kaci Redjdal a été élu le 5 juin 1997 député sur la liste RCD dont il a démissionné avec élégance dit-il. Il expose ici pourquoi et revient sur son thème de prédilection : la communauté algérienne dans le sud de la France.

La Semaine : Quel le quotidien du député algérien à l’étranger ?

K.R. : Il faut d’abord savoir qu’à ce jour nous n’avons pas de statut. La représentation de la communauté au parlement est une expérience unique. C’est la première fois depuis les législatives de 1997 qu’elle a une représentation. Aujourd’hui, il existe une polémique autour du statut de député, qui a été bloqué par le sénat. Du coup, nous nous retrouvons sans aucun statut.

Ici, nous sommes de simples résidents et nous agissons comme tels. Officiellement et juridiquement, nous n’avons aucun statut.

Au niveau du quotidien, j’ai deux missions essentielles. La première et la plus importante est l’écoute. Nos compatriotes ont souffert, depuis toujours, d’une forme de marginalisation. Ils ont besoin de parler et de soumettre leurs doléances. Notre devoir est de les porter au niveau des institutions algériennes. L’assemblée nationale est une tribune pour dénoncer le mépris affiché à l’égard de cette communauté et crier haut et fort quelle la place de cette émigration , le rôle qu’elle peut jouer et quelles sont ses préoccupations.

La seconde concerne les préoccupations locales de notre émigration. Celles-ci ne dépendent notamment des autorités françaises. Notre action consiste à alerter certains de nos amis élus français mais également d’interpeller le Ministre Algérien des affaires étrangères.

Il faut le dire et le redire, notre communauté est très attachée au pays. Nous avons vu la manière dont elle a été touchée, meurtrie par les scènes de violence qui se sont déroulées au pays et par l’amplification médiatique qui en est faite. C’est une communauté patriote. Mais en même temps, ils se sentent méprisés et ignorés à la fois. J’ai dit au Ministre délégué chargé de la communauté nationale à l’étranger, Mr ZIARI, que la communauté a très bien compris quels sont les messages qui lui sont réellement adressés. La communauté est consciente et sait distinguer les messages de bonne volonté et ceux de la manipulation.

Jusqu’à maintenant, on agit plus dans la manipulation que réellement s’occuper de ses problèmes, autant de la part des autorités que des partis politiques. C’est un des éléments qui a fait qu’il y ait une rupture avec mon parti.

Un autre aspect qui me tient à cœur et que nous essayons de défendre, c’est l’image de l’Algérie et des relations avec la France.

L’Algérie n’est pas la scène de terreur décrite par les médias. Les relations franco-algériennes doivent être privilégiées. Il ne faut jamais oublier que nous avons presque 2 millions d’algériens en France.

La Semaine : C’est un problème de présentation et représentativité ?

K.R. : C’est un problème de politique et de stratégie. La problématique se pose en termes de stratégie de l’Etat vis à vis de sa communauté à l’étranger. Est-ce que l’Etat algérien a une véritable politique en direction de sa communauté à l’étranger ? Aujourd’hui, la réponse est non. L’état algérien n’a jamais eu une véritable politique ni une stratégie envers la communauté. Nous sommes une des communauté la plus importante en France et en même temps la moins organisée et possède le moins de moyens. Vous imaginez que la communauté algérienne n’a même pas d’espace pour se rencontrer. Est-il concevable qu’il n’y ait pas un centre culturel ou une maison de l’Algérie dans au moins les circonscriptions à forte concentration ?

L’organisation de cette communauté est une urgence, car organisée efficacement, elle peut et elle doit être une force. Mais cette organisation doit être extra partisanne. Les amicales ont montré leurs limites.

L’Etat algérien doit comprendre que la conjoncture changé et que la communauté a évolué.

L’état algérien doit prendre conscience de ce que peut être la communauté algérienne, de ce qu’elle peut représenter comme force vis à vis de l’Algérie et vis à vis du pays d’accueil. l’Italie, le Portugal et l’Irlande sont des exemples de ces pays qui ont su faire contribuer efficacement leur communautés à l’étranger pour redresser leurs économies respectives mais également pour revaloriser leurs images à l’étranger.

La Semaine : Existe-t-il une fatalité algérienne ?

K.R. : La politique algérienne n’a pas suivi l’évolution de notre communauté. Jusqu’aux années 70, c’était une communauté de main d’œuvre. A partir de 1974, ce n’était plus le cas. La structure de l’émigration a changé. De 74 à 80 de nombreuses personnes sont venues chercher des compétences auxquelles on ne pouvait accéder qu’à partir de l’étranger et, récemment des cadres pour des raisons de sécurité. Cette mutation de la communauté n’a pas été comprise. Aujourd’hui, on a encore le regard des années 70. La communauté dispose de potentialités qui lui permettent de constituer une force politique, économique, culturelle et scientifique.

La Semaine : Lorsqu’on parle de potentialités n’y a t-il pas un risque de discrimination par la pauvreté ?

K.R. : Il y a une communauté algérienne. Le cadre organisationnel qu’il faudra lui offrir, que l’état a la responsabilité de lui offrir, est un cadre qui permet de tisser ce réseau à même de construire un ciment de solidarité et pour assurer une cohésion au sein de la communauté. Il est même dangereux de compartimenter la communauté ou ne s’intéresser qu’à une frange bien précise. L’Etat ne doit pas avoir uniquement un regard d’intérêt vis à vis de sa communauté. Nous avons aussi ce devoir de solidarité vis à vis des plus démunis de nos compatriotes.

La Semaine: Concrètement, pour quel cadre ?

K.R. : Nous avons eu des expériences avec du positif et du négatif, l’expérience de l’amicale, les assises, le réseau associatif. Le principe est simple :

Il faut avoir le courage de se mettre à table et d’analyser toutes les formes d’organisations depuis l’indépendance. Avant de déclencher une nouvelle dynamique, il faut procéder à un état des lieux. Il faut faire un bilan avec les véritables acteurs, ceux qui étaient présents dans les amicales, dans les assises, dans la société civile. C’est à partir de cet élan qu’on peut reconstituer une nouvelle organisation. Elle doit être extra-partisane. L’expérience nous montre que les partis politiques ont plus contribué à diviser la communauté qu’à réellement la regrouper. Tout le monde a essayé d’instrumentaliser cette communauté.

L’expérience sur le terrain nous a montré les préoccupations de notre communauté ne sont pas des préoccupations politiques. Certes, elle est appelée à s’exprimer dans des échéances électorales ( il faut d’ailleurs peut être réviser ce mode de participation ) , laissons l’initiative à chaque citoyen de s’exprimer dans l’isoloir en son âme et conscience, mais il faut arrêter cette instrumentalisation de notre communauté.

Même au niveau politique, il y a une forme de représentation par les députés au Parlement mais là aussi, il faut avoir le courage de faire un bilan.

Avoir des représentants au parlement qui ne disposent d’aucun moyens est-ce efficace ?

Car je le répète, nous ne disposons d’aucun moyen. Il faut savoir que nous sommes même dans l’obligation de nous " fabriquer un statut juridique  " pour répondre aux exigences du pays de résidence, en terme de charges sociales , charges fiscales, retraite ………..

Ne parlons pas de moyens pratiques , locaux , transports. Nous avons une circonscription de Nice à Nantes ( 10 circonscriptions consulaires ), comment pouvez vous être à l’écoute de tout ce monde si vous n’avez pas les moyens. Même nos déplacements en Algérie , nous n’avons droit qu’à 4 billets dans l’année.

Il y a eu un geste politique certes, mais l’Etat s’est arrêté à la symbolique. Il fallait l’accompagner de moyens pour permettre aux députés d’assumer efficacement leurs missions.

Mais malgré cela, les députés de la communauté ont assuré du mieux qu’ils pouvaient leurs engagements et ils essaient de défendre du mieux qu’ils peuvent les intérêts de cette communauté.

Je dirais que nous sommes avant tout des militants de la communauté et c’est pour cela que je dis qu’il faut avoir le courage d’analyser toutes les formes de représentation. Toutes les formes d’organisation ou de représentation qui peuvent être réfléchies et mises en place, ne doivent être guidées que par l’intérêt et le seul intérêt de la communauté.

La Semaine : La visite de Monsieur Ziari a t-elle apporté un début de réponse ?

K.R. : C’est une initiative louable de la part de Monsieur Ziari. Mais est-ce parce qu’il est nouveau ministre qu’il vient vers la communauté ou bien parce qu’il y a de nouvelles échéances ? On parle de révision constitutionnelle, d’élections. S’il veut prendre un pas d’avance, cela ne marchera pas. La communauté a assez des manipulations. Solliciter la communauté au moment des élections est une manière qui ne mène à rien. LA communauté n’est pas dupe.

S’il y a une politique réelle de la part du gouvernement algérien d’organiser la communauté, toutes les bonnes volontés, tous ceux qui se soucient effectivement de cet écartèlement sont là pour l’aider. Nous lui avons posé des questions et soumis certaines doléances, on verra les résultats. Dès la rentrée parlementaire, ma première question orale sera pour lui.

La Semaine : La visite de Monsieur Ziari a coïncidé avec la visite du ministre des affaires étrangères à Paris. Quelles est la priorité, les relations avec la France ? La politique Euro-méditerranénenne ? La communauté nationale à l’étranger ?

K.R. : Les choses sont liées. On ne peut pas parler de relations Algéro-françaises et ignorer les problèmes de la communauté. Certes, Il y a plusieurs dossiers importants mais on ne peut pas éviter de parler de la vie quotidienne de la communauté en France. Ce dossier est également important et urgent.

La communauté souffre énormément. Elle souffre par le fait de l’image ternie de l’Algérie, des dispositions qui ont été prises en France et dans d’autres pays. L’Algérie a traversé une période difficile. Aujourd’hui, il n’y a plus de raisons pour que l’image du pays ne soit pas rehaussée , qu’on ne rétablisse pas de nouveaux ponts avec la France et tenir compte des préoccupations légitimes de la communauté.

La Semaine : La communauté, un indice de la qualité des relations avec la France ?

K.R. : Il ne faut pas qu’elle fasse l’objet d’un marchandage comme par le passé. Il ne faut pas qu’elle soit tiraillée d’un côté par l’Algérie et d’un autre par la France. Il faut qu’elle constitue un groupe. Une communauté bien organisée constitue une bonne image pour le pays. C’est la vitrine du pays mais l’Etat doit lui donner les moyens pour qu’elle puisse constituer cette belle vitrine.

La Semaine : Dans votre rupture avec le RCD, quelle a été la place et le rôle de la communauté ?

K.R. : C’est un des éléments majeurs qui m’ont conduit à prendre la décision de quitter le parti .

La Semaine: Vous est donc parti ?

K.R. : Oui, absolument. Je suis parti pour deux raisons essentielles. Je me suis engagé au RCD pour des valeurs de débat, de transparence, de démocratie, de liberté. Je les retrouvais dans le programme du parti. A partir du moment où je me rends compte que ces valeurs ne sont plus d’actualité, j’ai pris la responsabilité de me retirer. Sinon, c’était me mettre en contradiction avec mes propres principes.

D’abord, il y a le fonctionnement du parti. J’estime que dans un parti qui se dit démocratique, on doit être capable de débattre de tous les problèmes de n’importe quelle nature. L’autocritique est nécessaire et fructueuse, le débat et la transparence sont indispensables. Si l’on doit tous être d’accord , ce n’est plus un espace de démocratie , si l’on perçoit les militants qui émettent des avis contradictoires comme des "  fouteurs de trouble "  , nous ne pouvons pas avancer. Je vous donne une illustration de la fermeture, de la médiocrité et de l’incompétence qui caractérisent les responsables de bureau de l ‘émigration à Paris . Pour palier le déficit de communication et pour conjuguer et coordonner les efforts des sections de Marseille, Montpellier et Toulouse, nous avons créé une coordination sud . Cette coordination a été perçue à Paris comme une menace et une volonté du sud de contrecarrer Paris alors que depuis toujours tout le monde se plaint de l’inexistence de coordination et du déficit de communication. Moi je dis "  On ne peut pas militer et avoir peur pour son fauteuil  ". L’ambition est légitime mais la compétence, l’efficacité doivent primer.

La deuxième raison qui a fait véritablement que je n’ai pas hésiter à partir, c’est le fait que le RCD a renié l’ensemble de ses engagements vis à vis de la communauté. Nous étions plusieurs à faire campagne. Nous avions plusieurs candidats en Europe. Le message était : la communauté a été méprisée, l’Algérie n’a jamais eu de véritable politique pour la communauté . Nous, nous n’allons pas faire comme les autres. Nous allons être à votre écoute. Nous allons venir vous voir régulièrement. Nous allons porter vos doléances auprès des institutions…Notre message était un message de rupture avec les comportements et les mœurs politiques qui existaient avant. Malheureusement cela n’a pas été le cas.

Nous avons fait une excellente campagne électorale dans le Sud de la France. Nous n’étions pas favoris. Lorsque j’avais annoncé les résultats au Président du parti, il était étonné. Personne ne nous donnait gagnants à Marseille et encore moins dans tout le Sud. Nous étions, en termes de moyens, loin derrière le FLN, le RND, le HAMAS. Nous avions en notre faveur cette conviction, cette force militante. Je tiens une fois de plus à remercier l’équipe qui a donné le meilleur d’elle-même sur Marseille, Nice, Montpellier, Lyon , Toulouse, Besançon. C’est grâce à eux que j’ai été élu.

Cette ouverture avait donné du crédit au parti, indépendamment du crédit qu’il avait déjà en termes de valeurs globales. Or, à notre grande surprise, depuis le pré-congrès de l’émigration, le congrès du parti, c’est véritablement la déliquescence au niveau de l’émigration. Les instances parisiennes se sont caractérisées par leur médiocrité et leur incompétence. Les structures ne fonctionnent plus pour ne pas dire n’existent plus. Les militants sont démobilisés et les citoyens de plus en plus déçus par le fait que nous soyons absents sur le terrain. Il n’y a aucune politique ni stratégie pour la communauté. Finalement toutes les promesses et les engagements que nous avions pris n’étaient qu’ "  électoralistes " .

Je ne peux pas cautionner ce fait. Il faut tout de même être cohérent et essayer de respecter quelques engagements que nous avons pris si ce n’est au moins celui de l’écoute.

J’ai interpellé les instances du parti au niveau de Paris, le secrétariat national, le Président du parti en disant, nous ne pouvons pas continuer de cette manière. Nous ne pouvons pas aborder de manière constante en théorie dans notre discours un langage vis à vis de la communauté et ne rien faire en pratique. J’ai interpellé le Président par une lettre au mois de mai 99 en lui signifiant que le discours que nous portons en théorie n’est pas suivi des faits en pratique , loin de là.

Nous avons fait campagne pour dire aux gens que nous sommes à vos côtés pour vous écouter, il fallait donc mettre en place les structures et une stratégie nécessaires. Malheureusement l’action sur le terrain se limite à un relais politique international, d’où l’intérêt pour une petite équipe à Paris et Bruxelles.

Je ne peux adhérer à une telle démarche. Ce ne sont pas les engagements que j’ai pris vis à vis de mes compatriotes.

La Semaine : Quelle est l’alternative ?

K.R. : Il faut créer une organisation pour permettre à la communauté de défendre elle-même ses intérêts. Ses intérêts ne sont pas politiques. Leurs préoccupations quotidiennes sont, l ‘atteinte à leur dignité, le chômage, le logement, les problèmes avec l’administration, le rapatriement des corps, les conditions de transports et d’accueil, les équivalences de diplômes, l’inexistence d’espace pour s’exprimer, le manque de solidarité ………..

L’urgence maintenant est de rétablir la confiance vis à vis de leurs gouvernants c’est à dire mettre fin aux manipulations de la communauté.

L’Etat doit offrir les moyens à cette communauté afin qu’elle s’organise elle même plus efficacement.

La Semaine: N’ y a-t-il pas de risques de discrimination par la pauvreté ?

K.R. : La solidarité, c’est d’être auprès des démunis. Si le regard de l’Algérie est un regard d’intérêt. Ce n’est pas la peine. Si la communauté est considérée comme par le passé, avant tout comme une source de devises, c’est voué à l’échec. C’est une politique que tout le monde refuse.

Certes nous avons le devoir vis à vis de notre pays mais l’Etat a aussi un devoir vis à vis de sa communauté.

La Semaine : Qu’est-ce qui doit changer aujourd’hui, tout de suite ?

K.R. : Mettre un cadre organisationnel, relancer les assises de l’émigration, mais avec tous les acteurs sans exclusive. Deuxièmement, il faut des lieux et cela peut se faire rapidement par le biais de l’Etat algérien. Il est inconcevable aujourd’hui qu’une ville comme Marseille ne puisse pas disposer de lieux où les algériens peuvent se rencontrer. Nous n’avons ni Maison de l’Algérie, ni espace culturel. Lors de sa visite, le ministre a été interpellé sur les biens de l’état qui sont inexploités ou qui sont actuellement occupés à l’exemple du siège de l’amicale à la rue Saint-Jacques à Marseille. Ces espaces ne doivent pas être mis au profit de telle ou telle association partisane mais au service de l’ensemble des citoyens. Il faut trouver une formule pour les mettre à la disposition des citoyens.

La semaine : Quels doivent être les nouveaux rôles des consulats ?

K.R. : J’avais interpellé le chef du gouvernement en janvier dernier sur la nouvelle implantation des consulats, qui doit être fonction de l’importance réelle de la population. L’exemple d’un consulat à Lyon et d’un consulat à Saint-étienne est aberrant. Redéfinir les prérogatives des Consulats. Les Consulats ne sont pas des mairies. C’est l’institution représentative, la vitrine du pays. Les consulats doivent assumer leur fonction économique, de mission de communication afin de donner la meilleure image du pays. Actuellement, vous ne pouvez pas obtenir par exemple des renseignements sur les modalités d’investissements au pays.

C’est le ministre qui vient solliciter les investisseurs. Les représentations consulaires doivent avoir une mission d’ouverture sur l’extérieur sans oublier évidement leur rôle de service , en faveur de nos concitoyens.

La Semaine : Quelles questions allez-vous poser au Ministre chargé de la communauté ?

K.R. : Le bilan de sa visite, la politique et la stratégie qu’il compte mettre en œuvre pour cette communauté.

L’Etat compte –il une fois pour toute intégrer cette communauté comme force ou restera-t-on dans la manipulation ?

Vous savez, j’ai été choqué que le gouvernement n’ait pas parlé de la communauté dans son programme. C’est inquiétant et cela laisse croire que nous sommes encore dans cette forme de marginalisation de tout un pan de la société algérienne.

La Semaine : Quelles sont, aujourd’hui, les préoccupations majeures de la communauté ?

K.R. : Sa dignité que ce soit au niveau du pays d’accueil ou du pays d’origine. Il faut que la communauté sache que qu’elle a un Etat derrière elle qui la défend. Il faut que l’Algérie réagisse chaque fois qu’un algérien est pointé du doigt. Dignité quand il rentre chez lui. Je ne parle pas uniquement des problèmes de transport. C’est toute l’image de l’algérien à l’étranger qui doit changer. Il n’est pas uniquement le détenteur de devises. C’est un citoyen à part entière avec ses droits et ses devoirs.

La Semaine : Air Algérie ?

K.R. : Les choses se sont améliorées à Marseille grâce nos différentes interventions mais grâce aussi à la volonté de certaines personnes qui ont bien fait leur travail. Il faut leur rendre hommage. Il reste néanmoins beaucoup de problèmes et en particulier le réseau de réservation de la compagnie.

La Semaine : Les jeunes errants ?

K.R. : Les autorités algériennes n’ont pas réellement conscience des choses. Il faut qu’ils parviennent à prendre en charge l’ensemble des problèmes de la communauté. Il n’y a plus de honte à traiter tel ou tel problème.

La Semaine : Les foyers SONACOTRA ?

K.R. : J’en ai visité beaucoup et je peux vous dire qu’il a une majorité d’algériens dans ces foyers. Les vieux ne restent pas dans les foyers par plaisir. Ils n’osent pas rentrer chez eux parce que totalement démunis, peur du regard des autres.

Certains de nos compatriotes sont parfois dans des situations difficiles et vivent dans des conditions très précaires. C’est là où doit agir la solidarité.

La Semaine : La femme algérienne en France ?

K.R. : Il faut dire, la femme algérienne tout court. Ce n’est pas un sujet à l’ordre du jour du gouvernement. Un gouvernement qui ne comporte pas de femmes est une symbolique dans un pays où les femmes représentent 52% de la population, dans un pays où la femme a toujours été à l’avant-garde et a montré un courage exemplaire à travers le monde.

Le code de la famille est une humiliation pour toutes celles et tous ceux sont convaincus des droits de l’être humain et qui se reconnaissent dans la modernité. Son abrogation est une exigence de la démocratie et de la modernité.

J’ajouterais que le place de la femme de la société ne peut pas s’accommoder de la confusion politique. La femme ne doit pas être sacrifiée pour telles ou telles raisons politiciennes. Elle doit être une citoyenne à part entière avec les mêmes droits et devoirs que l’Homme.

La Semaine : La culture algérienne en France ?

K.R. : Réduite à sa plus simple expression folklorique. La culture, ce n’est pas uniquement le chant et la danse. La culture, c’est aussi l’histoire, nos traditions, notre identité, la créativité algérienne.

L’Etat doit avoir une politique culturelle. Cela rejoint ce que je disais avant, la nécessité d’avoir un espace d’expression dans lequel nous pouvons définir une stratégie pour la culture mais aussi pour l’éducation. Nous devons amener l’algérien à être fier de ses origines, de son histoire , de sa culture.

Je profite pour évoquer les binationaux auxquels il faut également une stratégie pour les laisser jouer pleinement leur rôles de citoyens mais aussi fiers de leurs racines et leur permettre aussi de s’approprier leur culture d’origine.

Il ne faut surtout pas exclure cette frange d’algériens comme cela a été fait dans la passé où la bi-nationalité était conçue comme traîtrise.

Doit être considéré comme algérien toute personne qui se réclame algérienne et dans ce cadre d’ailleurs, les consulats doivent faire plus d’efforts d’information pour amener les binationaux à s’immatriculer.

La Semaine : Marseille, capitale de l’espace euro-méditerranéen ?

K.R. : C’est la vocation naturelle de Marseille. Il existe une volonté chez les autorités locales de recentrage de la politique régionale dans un espace naturel, qui est l’espace Euro-méditerranéen. L’Algérie peut jouer un rôle très important.

La Semaine : Un jumelage Marseille – Alger ?

K.R. : Une histoire qui remonte loin. Le jumelage, c’est un ensemble d’actions et d’échanges à double sens. Il ne consiste pas uniquement à recueillir des personnes qui viennent d’Alger. Un jumelage doit apporter cette complémentarité à tous les niveaux et doit être enrichissant pour les deux parties.

La Semaine : La prochaine visite du Président de la république en France en juillet ?

K.R. : C’est un des côtés extrêmement positifs de l’ouverture de l’Algérie pour dynamiser ses relations avec la France. Les relations doivent être privilégiées et sans tabou. Nous sommes deux pays indépendants et nous devons construire des relations dans l’intérêt mutuel de chacun des deux pays.

La Semaine : Le RCD ?

K.R. : C’est fini. C’est dommage, la rupture a été mal faite. Lorsque j’avais remis ma démission au Président du groupe parlementaire, il avait espéré que cela se fera avec élégance. Il n’y avait pas de raisons pour qu’il n’en soit pas ainsi. Il existait des divergences entre nous. Chacun sa route.

En ce qui me concerne, je suis tranquille avec ma conscience et surtout en parfaite adéquation avec mes convictions. Nous sommes 4 députés à partir sur 19. Cela fait beaucoup pour un parti. D’autres cadres étaient partis avant nous. Cela prouve qu’il y a malaise. Pour moi, c’est bel et bien terminé.

Je ne me reproche rien, j’ai milité depuis 1990 dans ce parti , nous en avons fait, avec beaucoup d’amis, une force dans le Sud de la France. J’ai d’ailleurs reçu, suite à ma démission, beaucoup de messages de soutien de mes amis et de nombreux concitoyens et je tiens à les remercier et à leur renouveler ma disponibilité à œuvrer pour le seul intérêt de la communauté.

 

La Semaine : Saïd Sadi ?

K.R. : Sans commentaires.

La Semaine : Le député indépendant ?

K.R. : Je suis très à l’aise, en conformité avec mes convictions. Les militants du sud et de nombreux citoyens ont compris ma démission. Je suis fidèle à mes engagements et c’est avec ces gens que je travaille. J’ai un mandat et je tiens à l’honorer. Je mets toute mon énergie au service des intérêts de la communauté.

J’ajouterais que les partis politiques traversent tous des crises. C’est probablement qu’ils ont atteint la limites. Aujourd’hui , il faut cette troisième force qui constituera réellement l’alternative. On voit ce gouvernement, composé de laïques et d’islamistes, de progressistes et conservateurs , de gauchisants et d’ultra libéraux ……, on est encore dans la confusion.

La construction d’un véritable front démocratique est plus que jamais d’actualité, ce front qui assurera l’alternative et qui mettra en place ce projet républicain moderniste , auquel aspire la majorité des algériennes et des algériens.

La Semaine : Conviction, fidélité, qu’est-ce que vous rajoutez ?

K.R. : Nous n’avons pas parlé de la presse. C’est un acquis extrêmement important qu’il faut fructifier. Je suis contre toute forme de censure. Chaque fois qu’un journal meure, c’est un espace de liberté en moins. Il faut parler, débattre. C’est comme cela qu’on apprend à se connaître. Chacun défend ses idées dans le respect des idées de l’autre.

La modernité doit guider la réflexion. Nous sommes dans un monde qui ne laisse pas de place aux faibles. L’Algérie ne peut pas affronter son destin si, elle ne met pas le citoyen algérien, au centre de ses préoccupations. Cela veut dire qu’il faut le former, former le citoyen fier de son algérianité, responsable, ouvert sur le monde et sur l’universalité.

Cela ne peut se faire que dans une société démocratique, républicaine où les valeurs directrices sont la citoyenneté et de laïcité. Sans cela, il n’y aura pas d’alternative réelle.