Assemblée Populaire Nationale

Programme du gouvernement BENFLIS

Intervention de Mr Kaci REDJDAL

Député de la communauté algérienne du Sud de la France

Septembre 2000

 

 

Monsieur Le Président, Mesdames , Messieurs

Nous sommes appelés une fois de plus à débattre d'un nouveau programme du gouvernement, le cinquième en 3 ans de notre législature. Cette instabilité reflète parfaitement l'échec de la politique des quotas. Le gouvernement actuel qui ne diffère pratiquement en rien du précédent, si ce n'est son renforcement par deux ministres connus pour leurs options politiques qui sont loin d'être modernes, subira les mêmes contraintes et connaîtra les mêmes échecs.

Compte tenu de la réalité politique du pays , la première question qui s'impose est la suivante : quel est l'intérêt de notre gesticulation pendant 3 jours alors que nous savons tous que :

  1. Ce gouvernement n'est que formel
  2. Les députés ont été dépouillés de toutes leurs prérogatives. Nous n'avons aucun moyen de contrôle de l'exécutif. La preuve est que des gouvernements se succèdent sans même soumettre au parlement un bilan tel que cela est prévu par la constitution.
  3. Le Président de la République après avoir mis au pas les partis politiques, discrédité les institutions, gouverne seul et sans partage.

Nous sommes donc loin des séparations des pouvoirs , indispensables dans une démocratie digne de ce nom.

Monsieur Le Président,

Il ne s'agit là que d'un gouvernement de plus , d'un programme supplémentaire mais en réalité et concrètement, la vie de nos concitoyens ne s'améliore pas. Pire, les dramatiques conditions de vie de nos concitoyens ne cessent de s'aggraver au moment même où l'Algérie connaît une formidable embellie financière avec l'augmentation des recettes pétrolières.

La situation de notre pays est explosive. L'Etat n'arrive même pas à assurer le minimum vital pour ses enfants.

  1. Le système de santé est désastreux
  2. Tout le monde constate et vit l'anarchie des transports
  3. Notre système éducatif est sinistré. Le Ministre lui même a lancé un SOS.
  4. Au moment où notre pays enregistre ses meilleures conditions financières depuis des années, certains des enfants du peuple risquent d'être privés de leur droit le plus élémentaire : le droit à la scolarité et à l'éducation , faute de moyens dit-on.

    Cette sortie de notre Ministre outre le fait qu'elle engendre une interrogation sur l'avenir de l'école publique, elle confirme bien que l'éducation de nos enfants n'est pas la priorité de l'Etat.

  5. L'université est une université d'amateur. Ce sont les propos du Ministre de l'enseignement supérieur. Depuis des années, les universitaires ne cessent de tirer la sonnette d'alarme et de dénoncer les dégradations à tous les niveaux de notre système universitaire et de recherche. Il a fallu attendre l'an 2000 pour que le Ministre se rendre compte du désastre.
  6. Quant à la justice, le citoyen la qualifie par trois mots : Injustice -Corruption- Hogra.
  7. La jeunesse est livrée à elle même et soumise à tous les fléaux.
  8. Notre communauté à l'étranger est toujours ignorée, je devrais dire méprisée. Ils ont été bien transportés, dit-on .Bientôt on dira que l'on a permis à cette communauté de respirer ????
  9. L'image de l'Algérie à l'extérieur s'est améliorée , semble-t-il ? Sincèrement, je ne perçois pas les ruées d'investisseurs ou de touristes à nos portes. L'image de l'Algérie passe par la crédibilité de ses institutions, par son rayonnement culturel, scientifique, sportif ….. Le discours politique ne suffit plus de nos jours.

Je peux évidemment continuer la longue liste et notamment compléter par le volet de l'Etat de droit.

Monsieur Le Président,

La question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante : Le programme du gouvernement répond -t- il à toutes ces préoccupations et attentes de nos concitoyens? La réponse est évidemment NON.

Le programme du gouvernement, outre le fait qu'il a totalement occulté la dimension politique de la crise qui sévit dans notre pays depuis des années, ne constitue dans son volet technique, qu'un ensemble d'intentions et de promesses., Il ne fixe aucun objectif chiffré, ni échéances, en rapport avec les préoccupations quotidiennes, légitimes et urgentes de nos concitoyens ( emploi, logement, infrastructures éducatives, sanitaires, sportives , ….).

Au premier juillet 2000, l'Algérie a enregistré 10.4 milliards de dollars de recettes des hydrocarbures ( pratiquement le niveau de nos recettes annuelles). Plus de 20 milliards de recettes sont attendues pour l'année 2000, selon les experts internationaux - une véritable cagnotte et le prix du baril continue d'augmenter. Malgré ces excellentes conditions, le gouvernement n'a défini aucune action concrète pour desserrer l'étau qui asphyxie les Algériens.

Certes, le programme prévoit la continuation des réformes entamées mais il fait volontairement l'impasse sur certaines questions de fond à savoir : les priorités du pays en terme de réformes, le rythme , les échéances et les moyens pour mener à bien ces réformes.

L'embellie financière accompagnée d'un dollar fort devrait permettre de réduire le poids de la dette et c'est une priorité mais, il est également nécessaire d'améliorer le pouvoir d'achat des citoyens comme il est urgent de mettre en place des mécanismes de relance économique, celle ci ne signifiant pas privatisations tous azimuts comme il semble se dégager dans ce programme.

Monsieur Le Président,

Le gouvernement de Mr BENFLIS , au même titre que les gouvernements précédents, est animé de bonnes intentions, mais il manque de rigueur. Sans grande marge de manœuvre, il sera amené à faire des retouches et du rafistolage mais rien de solide et de durable. Son échec est d'ores et déjà programmé et il ne constituera qu'une nième transition parce que, aujourd'hui encore, après des années dramatiques, l'on refuse toujours d'identifier les véritables causes de la crise, lesquelles sont d'abord politiques.

Un gouvernement n'est qu'un moyen de mener une politique dans le cadre d'une vision claire et transparente de l'Etat et de la société.

 Un gouvernement formé de personnalités de courants politiques antagonistes ne peut échapper aux conflits doctrinaux. Nous avons tous entendu des déclarations contradictoires de certains ministres sur le mode de gestion de l'économie et des affaires de l'Etat. Nous avons tous vécu l'épisode de la commission de réforme de l'éducation nationale où les courants idéologiques ont pris le dessus. Enfin, nous connaissons tous, les positions de l'actuel ministre des affaires étrangères, signataire de la plate forme de Saint Egidio, rejetée dans le fond et la forme, par l'etat et tous les partis de la coalition. Ce ministre a même créé un front contre une initiative prise par le Président de la République.

Monsieur Le Président,

Le manque de clarté politique, le populisme et la démagogie, les hésitations, les discours approximatifs et souvent contradictoires, le refus d'identifier les véritables causes de la crise qui sévit dans notre pays, la compromission avec l'intégrisme, le discrédit porté aux institutions, l'instabilité politique sont autant d'ingrédients qui ne rassurent ni le citoyen, ni le privé national, ni l'investisseur étranger. La persistance dans une telle situation risque de plonger définitivement le pays dans le chaos.

L'heure est grave et il est temps de tirer les conclusions nécessaires pour éviter le pire. Les dérives s'accentuent et s'aggravent.

Il est de la responsabilité des patriotes républicains de tout faire pour mettre fin à ces dérives et d'imposer cette double rupture qu'attend impatiemment le peuple algérien, pour engager notre pays une fois pour toutes vers la modernité et le progrès.

Il est extrêmement urgent de mettre fin aux spéculations politiciennes, aux archaïsmes , aux dogmes, à la sauvegarde des appareils et des intérêts partisans pour laisser la place à la véritable culture d'Etat où les compétences œuvreront pour l'émancipation du citoyen qui pourra relever les défis du troisième millénaire.